Solidarité ? Et si on allait au- delà du geste de Doumbouya ?

Lu pour vous. Un véhicule 4×4 qu’un reportage de la RTG qualifie de « sorti d’usine »(comme s’il pouvait en être autrement), pour dire simplement qu’il est flambant neuf ; de l’argent dont on ne voudrait pas apparemment révéler le montant (qui est fou ou folle, avec toutes ces hordes de besogneux et fripouilles qui traînent à Conakry ? ) ; beaucoup de bruit et une hyper médiatisation (alors que le fait n’a rien d’inédit, puisque depuis le général Conté, tous ceux qui ont trôné à la tête du pays ont fait pareil, il est vrai avec plus de discrétion).

L’événement qui aurait pu ne pas en être un ? Le colonel Doumbouya, « le seul maître à bord après Dieu (sur le navire Guinée) », a offert donc un 4×4 et des billets de banque à la cantatrice émérite Binta Laaly Sow. La télévision nationale, dans sa hiérarchisation de l’info, a jugé bon d’en faire le premier élément de son JT de jeudi dernier.

Coup de chapeau, pardon de béret écarlate au chef de l’Etat pour cette action qu’on se doit de saluer ! L’on ne devrait que se réjouir pour la grande diva qui le mérite amplement.

Hourra à ceux-là qui ont concocté la rencontre entre notre « Cincinnatus » et la « Maria Callas» qui nous vient de « Horè Loubha » !
D’aucuns parleront d’une opération de com, mais après tout pourquoi pas ? Tant mieux pour Binta Laaly et bravo à l’artiste Oudy 1er (faut espérer que ça ne sera pas son dernier coup de main) et les confrères Thierno Mamadou Bah et Moussa Moise Sylla (respectivement conseiller du président et dirlo de la communication/information) qui ont peaufiné la mise en scène.

Il faut dire que le président de la transition n’en est pas à son premier geste de bon samaritain. Qui n’a pas été ému devant les images de la jeune collégienne qui a perdu ses parents dans un incendie, alors qu’elle passait l’examen du BEPC, qu’il a reçue, consolée au Palais Mohammed V avant de s’engager, entre autres, à prendre en charge sa scolarité ?

On pourrait conclure ainsi que tout est bien qui finit bien dans le meilleur des mondes possibles.

Seulement, cette vieille artiste aurait pu ne pas avoir la chance d’être reçue par un chef d’Etat. Elle aurait pu se retrouver alitée dans un village, loin de Conakry, rongée par la maladie et incapable de faire le moindre déplacement vers la capitale. Il est fort à parier que d’autres artistes talentueux vivent actuellement dans le dénuement, n’ont pas de gîte et peinent à assurer la pitance quotidienne comme c’était le cas avec Binta Laaly. Ces derniers auront-ils un jour la chance de bénéficier de la générosité d’un chef de l’Etat (Doumbouya ou un autre) ? Rien de plus aléatoire.

Puisque le credo des autorités de la transition c’est le changement qualitatif, l’engagement de réformes pour améliorer l’existence des Guinéens et des Guinéennes, ne faut-il pas réfléchir à formaliser la solidarité nationale en faveur des artistes en situation difficile (précarité, maladie, etc.) ? En créant par exemple un fonds de solidarité avec des critères précis d’éligibilité.

Le BGDA pourrait, en collaboration avec le ministère en charge de la Culture, signer une convention d’assurance au profit de ses membres. Il pourrait s’inspirer de ce qui se passe à côté avec le BURIDA ivoirien, en créant un Fonds pour financer l’appui à la création et un autre de Retraite.

Si la Guinée se dit capable de sortir de terre au moins six stades de football avant la CAN 2025, ne pourrait-on pas, en un ou deux ans, construire ne serait-ce qu’un palais de la culture à Conakry ?

POURQUOI PAS DES PUPILLES DE LA NATION ?

De même, combien d’orphelins et d’orphelines ayant vécu – ou qui vont vivre – des drames du genre de celui de la collégienne reçue par le colonel Doumbouya, n’auront jamais la chance d’accéder à un palais présidentiel ?

Alors que là également, on pourrait s’inspirer des pays qui ont créé le statut de « pupille de la nation » (ou de la République) pour formaliser la solidarité nationale à l’égard d’une certaine catégorie d’orphelins mineurs.

Il s’agirait par exemple des enfants mineurs d’éléments des forces armées, de la police et des autres corps paramilitaires, de fonctionnaires et agents de l’Etat, décédés à l’occasion de guerre ou d’opérations de maintien de la paix ou de la sécurité tant à l’intérieur qu’à l’extérieur du territoire national ; ou à l’occasion de l’exécution de mission en service commandé ou de service public, ou qui se trouvent du fait de ces évènements dans l’incapacité de pourvoir à leurs obligations et charges de famille ;

Ou pourrait y ajouter les enfants mineurs des personnes victimes d’accidents graves ou de catastrophe dont l’État accepte la prise en charge. Il en serait de même pour les cas où les tribunaux auraient établi la responsabilité de l’État dans lesdites tragédies.
En quoi pourrait consister le soutien qu’apporterait l’Etat à ces « pupilles de la nation » ?

Dans les pays où existe cette forme de réponse structurelle à la prise en charge des personnes vulnérables, ceux qui bénéficient du statut de « pupilles de la Nation » ont droit jusqu’à leur majorité, entre autres, à des allocations mensuelles perçues par leurs tuteurs légaux et destinés à leur garantir une scolarité régulière et dans de bonnes conditions. En outre, ils sont exonérés de tout frais d’inscription dans les établissements d’enseignement élémentaire, moyen, secondaire et supérieur.

En matière de couverture sanitaire, ils bénéficient d’une prise en charge, etc.

Ce n’est pas rien, et puisque le statut s’arrête à la majorité (18 ans en Guinée), on ne risque pas de voir le volume des allocations grimper indéfiniment. Là où cela existe il y a une structure, l’Office national des pupilles de la nation, qui s’en occupe.

Aux décideurs de faire travailler leurs méninges, le sujet mérite bien quelques petites réflexions et exigent de grandes convictions.

Lu Sur le mur de Top Sylla

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