Avec son expérience électorale de 2010, 2015 et 2020, il est suffisamment expérimenté et réseauté pour épauler la junte et inverser les tendances défavorables au retour à la démocratie. Il a d’ailleurs toujours clamé qu’il n’est pas opposé au tombeur d’Alpha Condé. Mais son leadership national et international fait des jaloux au sein du système. A lui donc d’engager et conduire la nouvelle bataille !
Ils sont nombreux les prétendants au pouvoir par les urnes en République de Guinée à fonder l’espoir que la chute du régime du troisième mandat soit salvatrice pour la construction d’une véritable démocratie.
En ce qui le concerne, le leader de l’Union des forces démocratiques de Guinée a cru à une lueur d’espoir dans l’arrivée du CNRD (Conseil national de rassemblement et de développement) au pouvoir suite au putsch le 5 septembre 2021 comme le seul moyen d’accéder à la fonction de président de la République élu.
Cellou Dalein Diallo était persuadé que les cartes allaient désormais être redistribuées équitablement avant la fin de l’année 2022 pour solliciter le vote de ses compatriotes. Chez les autres candidats au fauteuil et lui, l’enthousiasme sera de courte durée.
Cet incroyable mastodonte de la politique attire toute l’attention.
De fil en aiguille, il comprit que la politique adoptée par le régime du CNRD et son président le Colonel Mamadi Doumbouya lui est hostile. Les nouveaux dirigeants du pays le réveillent un beau matin avec des griffures dans une attaque visant à saccager domicile, récupérer sa propriété foncière, et à réduire sa force politique.
Des faits qui lui rappellent les coups qu’il subit et les heures les plus sinistres du régime déchu. Cellou Dalein Diallo se voit alors obligé de reculer.
Du coup, le leader de l’opposition guinéenne est cité dans le dossier dit « Air Guinée ». Ses conseils y voient un acharnement des nouvelles autorités et une main noire de la CRIEF (Cour de répression des infractions économiques et financières). Toutefois, Cellou Dalein Diallo ne se laisse pas crucifier.
Il quitte le pays le temps de suivre l’évolution de cette situation que beaucoup d’observateurs lient à une volonté manifeste du régime militaire majoritairement composé de nostalgiques des régimes autoritaires de disqualifier le mastodonte politique de la course à la présidentielle.
Ce sont ces deux dossiers, pensés, réfléchis et mûris politiquement qui ont poussé à l’exil le président de l’UFDG (Union des forces démocratiques de Guinée). Quand j’interroge les faiseurs d’opinion, certains me confient que Cellou Dalein Diallo doit absolument rentrer au pays et affronter la justice pour prouver que son audace et sa détermination à conquérir le pouvoir demeurent intactes. D’autres estiment qu’il serait mieux de ne pas s’engouffrer dans la gueule du loup, en attendant de planifier la probante stratégie de son retour dès que possible.
Dans les deux cas, sa décision personnelle et sa politique de retour au pays sont très attendues. Là-dessus, des questions nourrissent les débats sur l’opportunité de rentrer au pays sous la junte et les tenants et aboutissants du dossier Air Guinée porté devant la CRIEF tant hors des frontières qu’à l’intérieur de la Guinée. Une partie de l’opinion publique se demande si une fois à Conakry, les autorités militaires et les magistrats de la CRIEF vont-ils concevoir des stratagèmes visant à acter la mort politique définitive de Cellou Dalein Diallo.
Mais de mon point de vue, la résilience de cet homme politique face à ses anciens challengers bien lotis dans le système Alpha Condé et maintenant dans l’administration militaro-civil du Colonel Doumbouya apeure ses adversaires d’hier et d’aujourd’hui. C’est là une raison qui fait que la gouvernance Doumbouya décélère volontairement le processus du retour à l’ordre constitutionnel et la démocratie dans ce pays. Je m’explique : Son leadership national et international fait des jaloux au sein du régime militaire. Pour preuve, ici et ailleurs, l’on se pose encore la question de savoir pour quelles raisons la junte au pouvoir depuis le 5 septembre 2021 laisse-t-elle circuler la rumeur prétendant que ses hommes-liges et joueraient à écarter les membres de la vieille classe politique de la course au fauteuil présidentiel afin de donner la chance à un membre de la nouvelle génération de leur choix de diriger la destinée des 13 millions de guinéens après le Colonel Mamadi Doumbouya. Les autres interrogations sont les suivantes :
1. Les nouvelles autorités guinéennes auront-elles enfin accompli le meilleur projet de leur transition, le plus grand obstacle de leur programme présumé ?
2. Le combat politique du chef de la Transition a-t-il le droit d’être un vain mot ? Si la réponse est affirmative, alors, ce combat contre le présidentiable Cellou Dalein Diallo devrait-il faire table rase de tous les acquis et se résumer à seulement chasser Alpha Condé du pays et d’estomper le leader de l’UFDG dans sa quête du pouvoir ?
3. En quoi ceci donnerait une raison au Colonel Doumbouya de ne pas ménager ses efforts pour assurer le succès de la Transition en se référant à ce qu’ont accomplis pour leurs compatriotes ses devanciers capitaine Jerry John Rawlings en décembre 2000 au Ghana et le général à la retraite Julius Maada Bio en mars 1996 en Sierra Leone ?
Je laisse à chacun l’opportunité de répondre. Pour ma part, je souhaite que tout cela ne soit que des chimères. Je propose que la junte mette fin à toutes rumeurs afin de rassurer l’opinion nationale et internationale de sa détermination à écrire l’histoire de la démocratie dans ce pays. Mon vœu est que le débat autour de la question de l’éligibilité de Cellou Dalein Diallo sera ardent mais prudent et républicain ; que l’administration de la justice devienne équitable sous la Transition ; que les tensions ethniques ne se cristallisent en aucun cas à cause de manipulations administratives et judiciaires ; que le régime du CNRD entreprenne toutes les voies légales pour relancer le dialogue inclusif et permettre la cohabitation entre la classe politique dont Cellou Dalein Diallo est aujourd’hui le leader et la gouvernance en place dirigée par le colonel Mamadi Doumbouya.
Aussi, j’appelle le régime à communiquer. C’est à lui de lever le doute sur tout ce qui contribue à ternir son image.
Quant à Cellou Dalein Diallo, il n’est plus dupe. Après les expériences accumulées tant dans le système de gouvernance que dans les salons politiques de lutte pour se faire élire à la tête de l’Exécutif guinéen, il sait mieux que quiconque que l’environnement sociopolitique auquel il appartient est fait de férocité sans pitié, sans merci, à tout point de vue.
Pour la démocratie, les forces injustes et les esprits malveillants des génies du mal devraient être boutés hors des frontières de la Guinée. En aucun cas, les responsables du pays ne doivent les laisser aggraver la déchirure du tissu social fragile de la cohabitation entre l’élite de la vieille et de la nouvelle classe politique ou plus largement entre les civils et les militaires guinéens.
A l’endroit de la communauté internationale, il demeure important que les rivalités entre membres de la junte et le principal leader politique de la Guinée actuelle n’impactent pas la bonne gouvernance du pays en matière de santé publique, d’éducation, de justice, de construction d’infrastructures et de manière général le Vivre-ensemble et en résumé la marche de cette ancienne colonie française vers un meilleure futur pour tous ses habitants.
Temporalité de la fonction présidentielle
Si l’ancien président français François Mitterrand a eu raison d’affirmer que « dans la vie politique (…) on a quelques bons compagnons », alors il serait intéressant pour le colonel Mamadi Doumbouya et ses bons collaborateurs de suivre le conseil prodigué par l’ancien président américain Barack Obama à son successeur Donald Trump et qui affirme qu’un président n’est qu’un « occupant temporaire de ce poste ».
Cette temporalité de la fonction présidentielle comme celle de la vie sur terre est signe que le régime du colonel Mamadi Doumbouya passera tôt au tard. S’il en prend conscience, il doit choisir d’inscrire son nom dans l’histoire de la Guinée non pas comme ses prédécesseurs le capitaine Moussa Dadis Camara et le professeur Alpha Condé, mais se refuser de s’abonner à la présidence à vie en acceptant un dialogue inclusif avec les prétendants au poste de chef de l’Etat sous la médiation de la communauté internationale.
Ne pas s’inscrire dans le jusqu’au-boutisme est la meilleure voie pour le chef de la junte actuelle. Il doit oser prendre le taureau par les cornes.
De son côté, Cellou Dalein Diallo aussi devra faire de même d’autant plus qu’il jouit de confiance renouvelée de la communauté nationale et internationale en termes de capacités de mobilisation et de gagne pour contribuer autant que faire se peut à l’obtention d’un cadre propice à des discussions franches et ouverte et à des décisions pragmatiques avec le pouvoir en place concernant l’adoption de la voie de sortie de la transition militaire actuelle.
En effet, avec son expérience électorale de 2010, 2015 et 2020, Cellou Dalein Diallo est suffisamment expérimenté pour épauler la junte. Il a d’ailleurs toujours clamé qu’il n’est pas opposé au tombeur d’Alpha Condé. Donc, au lieu de laisser se déjouer les pronostics favorables à son avènement à la magistrature suprême, il a tous les atouts pour influencer les politiques de la transition, contrer les obstacles érigés sur son chemin.
Qu’attend-t-il pour le faire ? La réponse à cette question est qu’il doit se lever et accomplir ici et maintenant cette mission et réaliser le rêve des militants et sympathisants de l’UFDG qui n’attendent que ça.
Ses compagnons de lutte, les cadres et hauts responsables de l’UFDG pensent à leur devenir. Il n’y a pas de raisons qu’ils laissent ceux-ci procéder comme les certains qui ont déjà rejoint le camp de l’adversaire. A ceux qui parient qu’il a perdu d’avance, Cellou Dalein Diallo a la responsabilité de leur montrer qu’ils sont tombés dans une pure utopie, et que ce type de pari n’était qu’une illusion.
Les enjeux du CNRD
Comme en politique, les préalables ne se définissent pas avant que l’histoire ne s’écrive, les guinéens et leurs amis du reste du monde attendent avec acuité non pas un ‘‘mortel combat’’ entre pro-Dalein et pro-Mamadi, mais une nouvelle page de l’histoire de la démocratie entre Cellou Dalein Diallo incarnant un souffle nouveau pour les générations à venir et un colonel Mamadi Doumbouya représentant une nouvelle élite qui aura conduit la transition démocratique comme un ‘‘pro guinéen’’.
Dans tous les cas, il ne faudrait pas laisser la démocratie éliminer ses corollaires. Plutôt, il urge d’arrêter de mettre en péril le retour à l’ordre constitutionnel et la démocratie, restaurer la confiance et renforcer les relations entre civils et militaires. Toute chose qui commence par le point culminant du bilan du Colonel et ses compagnons s’ils conduisent la Guinée dans un processus transparent, inclusif permettant aux guinéens de choisir librement leur dirigeant.
L’évidence est que, politologues, journalistes, observateurs, analystes et citoyens lambda sont unanimes à dire que le désir des guinéens demeure la sortie de cette impasse politique de manière démocratique pour ne pas reproduire les mêmes démonstrations qui ont fait reculer le pays dans la débilité collective.
Par Ahmed Tidiane Diallo, journaliste.