”Jadis, la presse guinéenne avait Gérard de Coursière, prévoyant français pour prédire l’avenir. Aujourd’hui, elle s’interroge ”.Décédé suite à une crise cardiaque le 19 juillet 2010 au CHU Ignace Deen, ce voyant français né à Toulouse en France le 27 septembre 1947 avait épousé la Guinée, où il était consulté par plusieurs personnes mais aussi par des médias. Il prédisait des événements politiques, sociaux mais aussi économiques à travers le monde.
J’ai personnellement connu Gérard de Coursière, qui m’a été présenté par un leader politique dont je tais le nom à l’hôtel Riviera Royal où il résidait à son arrivée en Guinée dans les années 90. Par la suite, il avait pris attache en ville pas loin du CHU Ignace Deen, où il tenait ses consultations. Je me souviens de ses prédictions lors des événements de janvier et février 2007. Hasard ou coïncidence, il avait prédit l’arrivée d’un jeune militaire après le Général Lansana Conté.
En reportage en Guinée, l’envoyé spécial de Jeune Afrique, Christophe Le Bec avait fait le compte rendu ci-dessus du médium Gérard de Coursière.
Il s’appelle Gérard de Coursières. À Conakry, il est connu comme le loup blanc. Pour de nombreux Guinéens, cet astrologue numérologue français est celui qui avait prédit l’avènement de Moussa Dadis Camara. « La succession de Lansana Conté sera assurée par un jeune militaire du camp Alpha Yaya Diallo », aurait-il annoncé à la fin de 2008. Pour ses détracteurs, il n’est qu’un fin observateur du marigot Conakryka, qui utilise habilement ses talents en prospective et en psychologie auprès de gens riches et crédules. La rumeur le dit même agent des services secrets français.
Charlatan, voyant d’exception ou agent de l’ombre, peu importe. J’étais curieux de rencontrer ce personnage auréolé de mystère. Et je me suis rendu à son domicile, dans le quartier de Kipé. Très accessible, « Monsieur Gérard » vit dans une modeste bâtisse parmi les Guinéens. Il ressemble plus à un petit père inoffensif qu’au gourou charismatique que je m’étais imaginé. Pas de boule de cristal, point de regard hypnotique ni de transe extatique. Juste un jeu de tarot et un tapis. L’astrologue se dit sexagénaire, mais on lui donnerait vingt ans de plus : trente années de bourlingue sur le continent africain l’ont certainement usé.
Un vieil amoureux de l’Afrique
Gérard de Coursières, qui a gardé un zeste de l’accent rocailleux du Sud-Ouest français où il est né, est tombé amoureux de l’Afrique il y a bien longtemps. À l’en croire, c’est en consultant les astres pour Félix Houphouët-Boigny, l’ancien président ivoirien, qu’il s’est fait un nom. Il dit aussi avoir tiré les cartes pour Omar Bongo Ondimba, ancien numéro un gabonais*. Il se serait installé en Guinée à la fin des années 1990, à l’invitation de Lansana Conté, féru de conseils de marabouts et guides occultes en tous genres.
À l’heure de la « transition » politique, le pays est instable et l’avenir incertain. Les prédictions de celui qu’on surnomme le « marabout blanc » sont d’autant plus recherchées. Ministres, officiers, politiciens et hommes d’affaires se succèdent dans son bureau du centre-ville. Gérard de Coursières n’est pas sectaire. Selon lui, toutes les factions de l’armée et tendances politiques passent par son cabinet pour sonder l’avenir. Les sujets angoissants ne manquent pas pour les gros bonnets en ces temps incertains.
N’empêche, le cartomancien est, aujourd’hui, un homme aigri. Ses années ivoiriennes, « où il était bien traité, logé en hôtel cinq étoiles », sont loin derrière. Le séjour guinéen n’a pas comblé ses attentes. « Je passe certains jours sans eau courante ni électricité. Lansana Conté m’avait promis monts et merveilles, mais il ne m’a rien laissé », se plaint-il d’une voix presque éteinte. Las, il est quasiment au bout du rouleau.
« La Guinée est dirigée par un ramassis de voleurs et d’affairistes. J’ai appris à les connaître et j’en ai ma claque. Un cadre m’a même demandé un jour si je pouvais l’aider avec mes pouvoirs à masquer qu’il avait piqué dans la caisse ! Je suis un astrologue, pas un sorcier ! J’essaie de bien conseiller mes clients, mais ils ne m’écoutent guère », confie-t-il, très pessimiste sur l’avenir d’un pays « au bord de l’explosion ».
Gérard de Coursières se dit ahuri par le comportement des dirigeants guinéens, dont certains sont ses clients : « Le pays est dans la misère et eux se baladent dans des grosses berlines et dépensent sans vergogne. Ils ne respectent plus rien ! » regrette-t-il. S’il n’a pas perdu la boule, il veut néanmoins quitter la Guinée « le plus vite possible ». Son rêve : finir sa carrière en Côte d’Ivoire où il espère prédire un avenir plus rose.
Par Thierno Saidou Diakité