Mercredi 14 décembre, la France va affronter le Maroc. Un match inédit: c’est la troisième fois seulement qu’un pays hors Amérique du Sud et Europe atteint ce stade de la compétition. Et c’est encore plus exceptionnel concernant les Lions de l’Atlas.
Le football a beau être mondial, il est depuis longtemps la chasse gardée des pays européens et sud-américains. Au palmarès, on ne compte que des vainqueurs issus de ces continents: Brésil, Argentine, Uruguay, Allemagne, Espagne, Angleterre, Italie ou encore France.
Ajoutez à cela que même l’organisation de la Coupe du monde de football est trustée par les Sud-Américains et les Européens. Sur vingt-deux éditions, six fois seulement on a vu la compétition être organisée ailleurs que sur ces deux grands continents, dont deux fois au Mexique.
Un palmarès quasi exclusivement européen ou sud-américain
Alors, lorsqu’une équipe comme celle du Maroc atteint les demi-finales, c’est assez exceptionnel. Le pays de Walid Regragui, sélectionneur des Lions de l’Atlas, rejoint le club très fermé des nations ni européennes ni sud-américaines qualifiées dans le dernier carré. Avant eux, l’histoire avait pu retenir les États-Unis, troisième du premier Mondial de l’histoire, en 1930, puis, soixante-douze ans plus tard, la Corée du Sud, présente en demi-finale lors de leur Coupe du monde en 2002.
On pourrait ajouter à cette courte liste la Turquie en 2002 puisque si 93% de son territoire sur trouve sur le continent asiatique, le pays fait partie de l’Union des associations européennes de football (UEFA) depuis 1962. Comme l’Australie aujourd’hui, qui a changé de confédération pour passer de l’Océanie à l’Asie en 2006, la fédération turque a fait le choix de rejoindre le continent européen pour des raisons sportives: maximiser ses chances de se qualifier aux grandes compétitions internationales et affronter les meilleures équipes du monde.
Hormis les États-Unis et la Corée du Sud, donc, en quatre-vingt-douze ans d’existence du Mondial, le palmarès est exclusivement européen et sud-américain. Quel que soit le résultat de son match du mercredi 14 décembre contre la France, le Maroc va donc marquer l’histoire. L’histoire africaine, d’abord, en étant le premier représentant du continent noir dans le dernier carré. Mais aussi parce qu’il n’y a, à travers son parcours sportif, aucune circonstance particulière ou atténuante.
La victoire américaine en 1930 doit beaucoup aux naturalisations
Sans vouloir porter atteinte aux exploits états-uniens de 1930 ou sud-coréen de 2002, le Maroc, contrairement aux deux premières nations citées, ne bénéficie pas cette année des variables «joueurs expatriés et naturalisés» (comme c’était le cas pour l’équipe US) ou «jeu à domicile» (la compétition de 2002 s’est déroulée en Corée du Sud et au Japon).
Lors de la première édition du Mondial, en 1930, organisée en Uruguay, les fans de foot avaient subi un premier appel au boycott de la part des îles Britanniques. Les Écossais et les Anglais notamment refusaient que l’Europe continentale se charge, à travers la Fédération internationale de football association (FIFA) et son président français de l’époque, Jules Rimet, d’organiser le devenir du football international, et rejetèrent en bloc la première Coupe du monde.
Un certain nombre de joueurs britanniques, comme Jim Brown, Jimmy Gallagher, Bart McGhee ou George Moorhouse, profitèrent alors d’un lien avec les États-Unis pour obtenir leur nationalité américaine et participer au Mondial.
Ces joueurs apportèrent toute leur compétence, leur savoir-faire et leur talent acquis en Europe pour offrir une historique et unique troisième place à l’équipe américaine. Tandis que côté marocain, mis à part Noussair Mazraoui, né aux Pays-Bas et formé à l’Ajax Amsterdam, ou Sofiane Boufal, né en France et formé au SCO d’Angers, l’immense majorité des joueurs sont nés au Maroc et ont été formés au pays. Pas de naturalisation obtenue au dernier moment ni d’exploit artificiel, donc.
Certains jouent à domicile, d’autres non
Idem avec la Corée du Sud. Cette fois-ci, c’est la variable «jeu à domicile» qui avait fait effet. La sélection, alors entraînée par le Néerlandais Guus Hiddink, évoluait chez elle lors de la Coupe du monde 2002. Et de nombreuses études scientifiques montrent que cela pèse sur les niveaux de performance de l’équipe, de confiance et même d’influence sur le corps arbitral.
Les Sud-coréens ont d’ailleurs profité des largesses de l’homme en noir pour réussir à battre, coup sur coup, l’Italie puis l’Espagne. Buts refusés pour l’adversaire, fautes non sifflées, penaltys non désignés: le parcours de la Corée du Sud fait l’objet de nombreuses controverses et polémiques qui déjugent, de fait, l’exploit du pays asiatique.
Ce n’est pas le cas du Maroc aujourd’hui. Alors que quelques-uns estiment que le pays musulman profite d’une ferveur communautariste dans ce premier Mondial organisé au Moyen-Orient, au Qatar, il n’en reste pas moins que le Maroc ne joue pas à domicile et que la compétition n’a pas lieu dans les stades de Marrakech ou Casablanca. Quand une équipe européenne joue une compétition en Europe, en dehors de chez elle, elle ne bénéficie en aucun cas de faveur des arbitres ou de motivation supplémentaire. C’est pareil pour le Maroc au Qatar.
On pourrait certes lui reprocher ses matchs ennuyeux ou son absence de prise de risque, en jouant des contres et en misant sur les exploits de son gardien, Yassine Bounou. Mais les victoires marocaines ne sont pas entachées de largesses arbitrales. Le pays a obtenu seul et sans débat son ticket pour les demi-finales. Et c’est exactement pour ces raisons que c’est en soi un exploit.