Suspectés d’avoir piétiné le droit et pillé le budget de la défunte Cour constitutionnelle, Mohamed Lamine Bangoura et son équipe sont au banc des accusés. Et pour cause ? A la veille du double scrutin référendaire et législatif de 2020, des camionnettes ont débarqué près de 24 milliards de FG à la Cour constitutionnelle. La clé de répartition de cette manne a ignoré le personnel administratif et favorisé des enveloppes de 3 milliards de FG aux grandes robes. Mais ce qui provoque un grincement de dents, c’est l’utilisation du budget annuel de l’institution validatrice du 3e mandat estimé à près de 20 milliards de FG durant les trois ans de gestion. Diagnostic de trois ans années de gestion chaotique et calamiteuse. In Le Populaire PP9&10
Après trois années de calvaire et de mépris du personnel administratif de l’institution par l’équipe de Mohamed Lamine Bangoura, puis sa suspension par la junte au pouvoir, il est important de faire le diagnostic de cette défunte institution. De sources concordantes, pendant les trois années de la présidence de Mohamed Lamine Bangoura, la Cour a connu une gestion financière scandaleuse et chaotique, ayant été gérée comme une entreprise unipersonnelle.
Me Kèlèfa Sall avait été écarté de la présidence constitutionnelle à cause d’une gestion que ses pairs jugeaient calamiteuse, lesquels ont, par la suite, élu Mohamed Lamine Bangoura comme alternative. Fort malheureusement, la même situation a perduré après l’arrivée de ce dernier, avec la complicité des autres juges constitutionnels et au grand dam du personnel d’appui de cette institution.
Le principal pêché reproché à Mohamed Lamine Bangoura restait la gestion opaque des fonds alloués à la Cour constitutionnelle, une institution qu’il pilota comme une entreprise individuelle. Sinon, à quoi servait le budget annuel de plus de 20 milliards dont était dotée cette juridiction ? Même pas pour mettre ses collaborateurs dans des conditions de travail optimales.
À la Cour constitutionnelle, il y avait les Privilégiés et les Pénalisés. D’un côté, le président gardait un avantage de 145 millions de FG comme salaire mensuel, avec les autres émoluments et la bonification venant de Sekhoutoureya. Grassement payé, Lamine Bangoura dépassait chacun des juges du Conseil Constitutionnel Français (13 000 euros à peine).
Dans cette Institution, une ordonnance avait été prise par Mohamed Lamine Bangoura portant nomination des juges assistants, qui avaient pour mission essentielle de se mettre à la disposition des juges constitutionnels à mieux leur imperium, celui de rendre des décisions. Ils intervenaient en amont pour aider à la prise de décision. Cela suppose nécessairement qu’ils fussent en mesure de savoir non seulement ce qui était en jeu, mais aussi comment y faire face techniquement (ordonnance N° 04/P/CC/2019).
Cependant, ces juges assistants ne siégeaient pas à l’audience, leur rôle ayant été limité à l’étroite dimension de la recherche documentaire. À part ces juges assistants, existaient d’autres cadres de la direction des études, du service informatique, de la division des ressources humaines, du courrier central, du greffe et de la division des affaires financières pour ne citer que ceux-ci. Tous ces cadres ont été recrutés par les ordonnances des deux présidents qui ont dirigé cette institution dans les six années passées.
Paradoxalement, le directeur de cabinet et le secrétaire général étaient aussi ségrégués même dans la distribution des tickets de carburant. Un peu moins que le président, les autres juges percevaient plus de 100 millions par mois d’après un cadre de cette institution tandis que les juges assistants, sur l’épaule desquels reposait tout le travail de la Cour, se contentaient de 3 millions. Aucun de ces cadres n’a bénéficié de salaires adéquats et d’avantages liés au poste, tels que fixés dans le contrat de travail et prévus par l’ordonnance les recrutant, notamment en son article 2.
Somme toute, les travailleurs administratifs trimaient avec une misère de 3 millions en moyenne par mois. Pis encore, les cadres supérieurs de ce personnel d’appui percevaient les mêmes salaires que les secrétaires de direction ou les réceptionnistes. Voilà donc la discrimination qui existait dans cette juridiction qui était censée observer le droit social.
La crise d’éthique salariale était tellement importante là-bas que les gens étaient payés comme des gardes-magasins : sans grille salariale, ni bulletins de paie et de contrats de travail, contrairement à l’ordonnance portant recrutement du personnel de la CC, laquelle déterminait en son article 2 qu’un contrat devrait être dûment établi entre la Cour et le personnel. Cette ordonnance n’a jamais été mise en application depuis l’installation de la Cour.
Comparant le personnel de la Cour à celui des autres institutions comme l’Assemblée Nationale, en matière de sécurité sociale, aucun travailleur de la Cour constitutionnelle n’a été affilié à une caisse de prévoyance sociale après six (6) années de travail. Au regard du régime salarial du personnel de la Cour des comptes, par exemple, on traitera l’ex “gérant” de la Cour constitutionnelle guinéenne et ses collègues de criminels !
Au niveau de la cour des comptes, on a procédé à deux recrutements. Ses dernières recrues touchent près de 15 millions de FG par mois alors que, du côté de la Cour constitutionnelle, les juges assistants touchaient à peine 3 millions de FG par mois.
La Cour constitutionnelle avait pourtant fait une retraite à Kindia afin d’élaborer son plan stratégique de développement institutionnel il y a de cela trois (3) ans ; le président n’a pu faire la mise en œuvre de la quintessence de cette retraite, cet outil fondamental pour le bon fonctionnement de cette institution, raison de plus qui fait que la Cour naviguait à vue.
L’un des talons d’Achille de Mohamed Lamine Bangoura était encore le véto mis sur le projet de grille salariale du personnel d’appui de la Cour, qui prenait en compte le principe de l’équité salariale selon lequel « le travail de valeur égale, salaire égal ». Pourtant ces éminents juristes ont été appelés les sages à cause de leur capacité de réflexion à résoudre les problèmes fondamentaux de la nation guinéenne. Que dire d’une situation où les sages avaient perdu de leur sagesse, étant les premiers à ignorer les lois de la République ?
Une autre corde sensible dans cette “arrière-cour”, le manque criard de formation. Selon une source digne de foi, son administration n’avait jamais bénéficié de formation professionnelle pour son bon fonctionnement.
La bande des 8 a simplement bloqué la procédure d’assistance formulée par l’association des juridictions constitutionnelles d’Afrique francophone et aurait marchandé toutes les bourses d’études offertes par les institutions internationales à cette Cour.
Un autre cas suspect à l’actif de l’équipe Bangoura date de 2019 : une décision de la Présidence de la République avait autorisé le rappel de salaire des juges constitutionnels et du personnel d’appui de l’institution ; fort malheureusement, les huit juges se sont accaparés de cette somme, tout en privant le personnel de l’institution de bénéficier de leur droit social. Alors que, le rappel de salaire correspondait aux éléments de salaires intégrés à des bulletins de paie postérieurs à la période de travail correspondante. La réglementation prévoyait que la totalité des salaires correspondant à une période travaillée par le salarié doit être payée intégralement à l’issue de cette période.
Selon un cadre de cette institution, qui les traite de sangsues, « ils ont sucé nos sangs puisque c’était la sueur de l’ensemble des travailleurs et non un privilège de fonction destiné à Mohamed Lamine Bangoura et à sa bande, car le rappel était destiné à l’ensemble du personnel », a-t-il martelé et d’ailleurs, ils demandent à la nouvelle autorité de diligenté un audit sérieux à la satisfaction de ces travailleurs misérables.
Une autre source pas la moindre, déclare qu’à la veille du double scrutin, chacun des juges constitutionnels avait perçu de la présidence de la République une somme de trois milliards de FG. Pour preuve, cet argent est arrivé dans les locaux de la Cour un vendredi en présence de certains chauffeurs et gendarmes qui gardaient l’immeuble abritant l’institution. Le lundi qui avait suivi l’arrivé de cette somme, le personnel en a été informé. Suite à ce bruit, tous les chauffeurs et gendarmes gardiens ont été convoqués et intimidés par le président et son équipe, pour leur dire que si le bruit continuait, ils seront radiés de l’effectifs du personnel de la Cour.
Pour preuve, après la transmission des résultats provisoires par la CENI à la Cour, le « personnel administratif a été sommé de rester à la maison pendant une semaine pour cause de covid 19. Alors que, lors des élections de 2015, ce personnel avait été associé pour l’examen des requêtes voire même le recomptage des procès-verbaux (PV) transmis par la CENI, cette fois, même les juges assistants qui aidaient techniquement à la prise de décision n’ont pas été associés à cette procédure qui débouchait à la proclamation des résultats définitifs », a confié un cadre bien introduit.
Lamine Bangoura était une autorité déjà décriée par le personnel qui avait peur d’être licencié en cas de dénonciation ou grève ; une autorité qui menait solitairement une vie de piranha : tout pour moi rien pour les autres.
En un mot comme en mille, les cadres supérieurs et l’écrasante majorité du personnel de la défunte Cour remercient mieux feu Kèlèfa Sall dont le départ a été regretté, vu le comportement unanimement déploré de la présidence Bangoura et celui de ses pairs, tous décriés. Bref, la gabegie financière qui a caractérisé ces trois ans de gestion et dénoncé par les lanceurs d’alerte mérite d’être suivi par un audit sérieux afin de situer les responsabilités des uns et des autres.
Par Sambegou Diallo