Addis Abeba : Proposition de création d’une Armée panafricaine

ArméeLes lampions du 33e sommet de l’Union africaine (UA) se sont éteints le 10 février 2020, à Addis-Abeba, la capitale éthiopienne. Mais avant de passer le témoin de la présidence tournante à son homologue sud-africain, Cyrille Ramaphosa, le président égyptien, le général Al Sissi, a annoncé la disposition totale de son pays, l’Egypte, à abriter un sommet africain spécial consacré à l’examen de création d’une force africaine de lutte contre le terrorisme. Réaffirmant sa conviction en l’importance d’une telle démarche pour réaliser la paix et la sécurité régionales, l’homme fort du pays des Pharaons précise que ladite force proposée sera sous l’égide du Conseil africain de paix et de sécurité, ainsi que sous le Bureau du comité technique de défense. Pour une nouvelle qui devrait réjouir les pays du Sahel et bien d’autres du continent africain confrontés à l’hydre terroriste, c’en est une.

La pertinence d’un tel projet ne souffre pas de débat

Mais de la parole à l’acte, il faut espérer que l’idée de création de ce contingent africain antiterroriste, pour noble qu’elle soit, ne sera pas qu’un simple effet d’annonce, tant du Nord au Sud et de d’Est en Ouest du continent, les terroristes gagnent de plus en plus du terrain. Si fait que la pression des forces du mal est devenue tellement forte dans certains pays que les populations, désemparées, ne savent plus véritablement à quelle armée se vouer. C’est dire si la pertinence d’un tel projet ne souffre pas de débat, dans un contexte sécuritaire difficile, où les armées nationales peinent véritablement à faire face à la situation. Mais au regard de la réalité du terrain, l’on est porté à croire que la mise en place d’une telle force panafricaine est, aujourd’hui, plus facile à dire qu’à faire. L’on est d’autant plus porté à le penser que pas plus tard qu’à ce même sommet qui a réuni plus d’une trentaine de chefs d’Etat du continent et des sommités venues d’ailleurs, les présidents burkinabè, Roch Marc Christian Kaboré et malien, Ibrahim Boubacar Kéita, dont les pays figurent parmi les plus éprouvés du continent face aux attaques terroristes, dénonçaient le manque de solidarité de la plupart des pays africains dans la lutte contre le terrorisme. Comment, dans ces conditions, l’idée de création d’une telle force panafricaine, aussi noble soit-elle, peut-elle prospérer si certains Etats ne se sentent pas véritablement concernés au plus haut point par la question ? Comment encore, peut-on espérer de tels Etats, une contribution conséquente à l’effort de guerre ou en contingents militaires quand ils ont l’illusion d’être à l’abri et que la lutte contre le terrorisme ne semble pas s’imposer comme une priorité de l’heure pour eux ? C’est dire qu’au-delà de la question de l’opérationnalisation de cette force qui pourrait, sans surprise, achopper sur le nerf de la guerre, prétendre pouvoir réunir tous les pays du continent pour avoir leur adhésion pleine et entière sur la question, au-delà des déclarations d’intention, peut se révéler un pari risqué. En tout cas, c’est ce que l’on est porté à croire quand on voit, par exemple, le sort qui est aujourd’hui celui de la force conjointe du G5 Sahel qui, plus de deux ans après sa création à grand renfort de tapage médiatique et de promesses de financements pour casser du djihadiste, est incapable de déployer ses ailes pour répondre à sa mission.

L’Afrique doit se réveiller

Dans le même temps, on peut se demander où est-ce que l’on en est avec la force en attente de l’UA dont la mise sur pied avait été confiée, en 2010, à l’ex-président de la Transition guinéenne, le général Sékouba Konaté, et qui visait, à terme, à se substituer aux opérations de maintien de la paix de l’ONU sur le continent. Autant de faits qui ne poussent pas à l’optimisme face à cette proposition de création d’une force panafricaine antiterroriste. De toute façon, la multiplication des forces n’est pas forcément la panacée. Et dans le cas d’espèce, l’on peut se demander s’il ne serait pas mieux de commencer par renforcer la force conjointe du G5 Sahel pour lui donner la plénitude de ses moyens d’actions, quand on sait la bureaucratie et la lourdeur administrative qui caractérisent l’UA et qui pourraient retarder la mise en place diligente de cette force panafricaine antiterroriste, sachant que les terroristes, eux, ne perdent pas de temps sur le terrain.
En tout état de cause, l’idée, en elle-même, est bonne. Elle serait la preuve d’une plus grande implication de l’UA dans la recherche de solutions au fléau du terrorisme qui frappe le continent, au moment où bien des Africains fondent leurs espoirs sur les Occidentaux pour les sauver du péril djihadiste. Mais dans le contexte actuel, elle semble plus proche de la chimère que de la réalité. Et l’on peut se demander si l’Afrique tient véritablement le problème par le bon bout. Quoi qu’il en soit, il est, à la limite, révoltant de voir que tout un continent est incapable de fédérer ses énergies et d’aller à une mutualisation des forces pour combattre le terrorisme sur son sol, au moment où, par exemple, le déploiement des forces spéciales européennes, Takuba, est à un niveau plutôt avancé d’opérationnalisation. L’Afrique doit se réveiller.

In « Le Pays »

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